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Recueil d'écritures
2 septembre 2014

ARTHUR

 

ARTHUR

Petite dissertation et traité de bonnes manières relatifs à l’usage quotidien d’une machine destinée à lutter contre un des nouveau mal du siècle, j’ai nommé : « L’Apnée du sommeil ». Fermez le ban !

Connaissez-vous Arthur ?

 A cette question aussi sotte que grenue, je sais que vous allez me répondre : « Ah oui, l’ex animateur d’Europe 1, le complice de Dany Boon dans la reprise théâtrale  du diner de cons ! », ou peut-être, « Ah oui,  Madame Arthur, le célèbre cabaret de travelos de Pigalle » ou encore, si vous êtes lettré : « Ah oui, Arturo Ui, le personnage central d’une œuvre de Bertolt Brecht » ou, enfin, devant mes dénégations répétées et en dernier ressort, « Arthur ? Ah oui, je pense au neveu de la tante Berthe, celle qui, en troisièmes noces, a épousé un vertueux capitaine au long cours  qui ne devait son surnom de Haddock qu’à son penchant marqué pour la bouteille ? ».

Eh bien non, vous n’y êtes pas du tout !

 Arthur c’est tout bonnement un gentil robot conçu par l’imagination fertile des hommes et dont l’appellation exacte et incontournable se décompose ainsi :

Appareil de Rétablissement Temporaire et Hospitalier d’Urgence Respiratoire donc ARTHUR ».

Elémentaire mon cher Watson !

Mais, cela, j’attendrai un peu avant de vous le dévoiler et, dans l’espoir de mieux vous faire mijoter, je vous dirai ensuite que la mission principale d’Arthur est de traquer et de pourchasser sans répit les AOS, sigle bien mystérieux s’il en est !

 Bien entendu, votre réaction érudite et indignée ne tardera pas : « On ne dit pas AOS, mais OAS, Organisation de l’Armée Secrète ! », celle qui s’est rendue célèbre par l’attentat avorté contre le Général de Gaulle au Petit Clamart.

J’ouvre ici une parenthèse car il est exact que j’ai fait la connaissance d’Arthur de manière tout à fait fortuite en déambulant dans les couloirs de l’hôpital Marie Lannelongue au Plessis Robinson, il y a de cela environ cinq ans. Hors, le dît hôpital se trouve sur les coteaux du Plessis Robinson à portée de fusil du Petit Clamart ! Votre réflexion aurait donc pu se trouver corroborée par les faits mais, hélas pour vous, il n’en est rien.

 AOS signifie en fait : Apnée Obstructive du Sommeil et représente une pathologie fréquente chez les patients atteints d’obésité galopante, ce qui est mon cas.

 Durant le sommeil, le larynx se referme et ne laisse plus filtrer suffisamment d’air pour alimenter les poumons et, par voie de conséquence, il met le cœur et le cerveau en risque de subir d’éventuels dégâts collatéraux.

 Pour en revenir à cette première rencontre, j’ai d’abord, inopinément, croisé une sommité de cet hôpital qui, au vu de ma corpulence, m’a entraîné dans son bureau pour me poser la question fatidique : « A votre connaissance, souffrez vous d’apnée du sommeil ? ».

 Pour moi, le mot « Apnée » évoquait plutôt le Grand Bleu de Luc Besson et je lui fis part de mon incompréhension la plus totale puis, pour satisfaire à ses exigences, j’acceptai le principe d’un examen  ou, bardé d’électrodes et d’un appareil enregistreur, je passerais une nuit très branchée à mon domicile.

 Ainsi fut fait. Pour être « In », je fus vraiment « In » !

 Bien entendu, le verdict tomba sans appel, la courbe transmise par l’oscillographe démontrait que la fréquence de mes apnées n’avait d’égale que le nombre de spots publicitaires coupant une émission de TF1. Bref, pour manquer d’air, moi à qui toute la vie on avait seriné : « Tu ne manques pas d’air ! », je manquais vraiment d’air. Un vrai truc à briguer un rôle dans le film « A bout de souffle », si un certain Jean-Luc Godard n’était pas déjà passé par là.

 C’est ainsi qu’un dénommé Lechat (rien à voir avec le héros récurrent du dessinateur belge Gelluck) fit un jour irruption à mon domicile de Cachan pour me présenter Arthur qui, selon lui, avait pour mission de prendre pension chez moi.

Dire qu’Arthur fut accueilli avec enthousiasme serait un délicat euphémisme. La cohabitation se montra plus délicate que prévue et le harnachement obligatoire au moment d’aller gouter aux délices de Morphée (un peu comme un jockey selle son cheval) me mettait chaque fois dans un état soit dépressif, soit surexcité, peu propice à savourer les bienfaits supposés du traitement.

D’ailleurs, la moindre occasion était bonne pour me séparer de ma monture au cours de la nuit, ce afin de pouvoir enfin ronfler à l’excès pour prouver que j’étais encore vivant. Après trois mois  de vaines tergiversations, je décidais donc de renvoyer Arthur à ses chères études et je pus enfin reprendre le cours de mes nuits qu’elles soient ou non, hachées par l’apnée.

Il me souvient cependant qu’au moment de me quitter Arthur m’ait  soufflé et sans doute susurré dans l’oreille : « Je reviendrai ! ». Sur le moment, je n’y ai guère prêté attention car, par vocation et par conscience professionnelle Arthur souffle beaucoup. C’est même sa raison d’être et il ne va pas s’en priver. Pourtant, cette réplique anodine aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Nous allons y revenir.

Cinq années plus tard, poussé par mon poids qui frôle désormais les 150 Kg, je me décide enfin à retourner à l’hôpital pour y subir une batterie d’examens. Cette fois ci, ma nutritionniste m’expédie à Jean Verdier, hôpital renommé de la banlieue nord de Paris, situé à Bondy en Seine St Denis sur le bord du canal de l’Ourcq.

Le service Endocrinologie de cet établissement me soumet donc, outre une étude de pneumologie et divers examens sanguins, au même examen branché concernant l’apnée du sommeil et, vous l’avez deviné : rebelote et dix de der ! Apnéiste j’étais, apnéiste je suis resté !

 A ce qu’il parait, je suis même l’un des records absolu de l’hôpital avec des apnées atteignant la minute. Passé la fierté d’être, en quelque sorte, le major de ma promotion, il n’était plus question pour moi de faire le fier à bras d’autant plus que cette médication s’inscrivait dans le cadre d’un parcours de perte de poids, seul espoir à court terme pour respirer à nouveau normalement de jour comme de nuit.

 C’est ainsi que le lundi 12 Octobre à 12h 45, véhiculé par un charmant technicien prénommé Abdel, Arthur, tout guilleret, a fait sa réapparition à Cachan.

C’est alors que….Euréka, m’est revenu à l’esprit la petite phrase d’adieu, lourde de sens, qu’il avait prononcé en 2004 : « Je reviendrai ! ».

Mais oui, mais c’est bien sûr ! Arthur marche sur les traces de son ancêtre prénommé Mac.

Macarthur, général de son état, commandant en chef aux Philippines, fut contraint de quitter ce pays avec armes et bagages lors de l’invasion japonaise de 1941 et il prononça à cette occasion son célèbre : « Je reviendrai ! », et il a tenu parole le bougre ! Il est revenu dans les iles en grand vainqueur en 1945.

Mon Arthur à moi avait donc hérité de la même ténacité que son grand tonton ou présumé tel  et, de ce fait, envisager de le faire sortir par la porte pour qu’il revienne par la fenêtre m’a  paru une tache superfétatoire, d’autant plus qu’il me semblait avoir, lui aussi, quelque peu maigri aux entournures, sans compter que son masque, à défaut d’être seyant, me paraissait moins engoncé que le précédent.

 Par ailleurs, son circuit d’humidification alimenté de préférence par de l’eau de Volvic (ah le bon air des Montagnes !) était facile d’accès et me permettrait peut-être de faire une expérience œnologique en remplaçant bientôt cette eau de caractère par une rasade de «  Beaujolais Nouveau » lors de la sortie annuelle, programmée proche, de ce dernier.

                                               Enfin, on peut toujours rêver !

Voilà, tout est dit. Depuis maintenant une semaine, Arthur a pris la place qui lui est dévolue, au pied de ma tête de lit. En bon valet bien zélé , il attend patiemment que je termine la lecture de mon journal favori pour me proposer de bien vouloir avoir l’extrême obligeance de revêtir son masque qui me fait ressembler à un scaphandrier des temps modernes.

Cette métaphore doit beaucoup au tuyau d’alimentation souple par lequel transite l’air ambiant. Cet air, supposé non vicié, est recueilli et pulsé par les soins de l’infatigable petit robot puis humidifié  derechef à l’eau de source. Il prend ensuite le chemin de mes narines dans lesquelles il pénètre tel un doux zéphyr.

 En fait, à peine le masque installé et verrouillé sur mon auguste visage, Arthur se met en route automatiquement, d’abord doucement avant d’accélérer la cadence et d’émettre un ronronnement semblable à celui du chat dans son couffin (rien à voir avec Lechat, précédemment cité).

 A aucun prix, je n’oserais lui faire la moindre remarque et lui dire qu’il ronfle, il pourrait mal le prendre !

Huit heures plus tard, je lui donne congé jusqu’au soir mais il profite juste de cet instant de liberté pour refaire son plein de Volvic (je vais avoir bien du mal pour lui imposer mon Beaujolais !).

Ainsi va la vie, avec son cortège de joie et de soucis.

Si jamais, un jour, par extraordinaire, on vous propose les services d’Arthur, inutile d’avoir un masque d’étonnement ou de mépris. Le seul masque qui vaille est celui d’Arthur, remboursé par la sécu et autorisé au carnaval de Venise, alors, je vous le dit sans ambages : « A quoi bon se gêner ! ».

                                                                                J.P.P.

                                                               (Joyeux Poumons Performants)

*En réalité l’appareil se nomme : BipapAuto / M-séries, diffusé par la Sté Vital Aire, mais avouez que « Arthur »,

c’est quand même autrement plus gratifiant !

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  • Depuis 2001, dix années de réflexions, rimées ou non, sur la vie de tous les jours, sur celle mise en exergue par les médias et sur les thèmes essentiels de l'existence: la vie, l'amour, la mort. Quelques nouvelles et récits pour saupoudrer le tout.
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