De boue...mon adjudant!
"De boue...mon adjudant!"
« Debout sacrés feignants », aboya l’adjudant,
Tout en bottant de rage, une gamelle en fer blanc.
« De boue…mon adjudant » !, plaisanta une voix,
Pour qui cette boue maudite collait trop à leurs pas.
Sur la pointe des pieds, les touts premiers levés,
Purent jeter un coup d’œil au ras de leur tranchée.
Vue apocalyptique d’un paysage lunaire,
Forêt de barbelés, parsemée de cratères.
Barbelés si rouillés qu’ils lacéraient la peau,
Offrant au tétanos un somptueux renouveau.
Cratères qui sous l’effet d’une pluie vagabonde,
Devenaient marécages aux ornières profondes.
Chacun n’attendait plus que ce sifflet maudit,
Précédé d’un déluge tiré par nos batteries.
Signal qui pousserait nos valeureux pioupious
A jaillir de la glaise en hurlant comme des fous.
Les batteries des boches, avec application,
En profitaient pour faire de la chair à canon.
De lourdes mitrailleuses y étaient associées.
Elles zébraient l’horizon de sanglantes trainées.
D’obscurs généraux n’avaient qu’un seul espoir :
Emmener leur troupeau tout droit à l’abattoir,
Obsédés par l’idée, qu’une éventuelle victoire,
Leur ouvrirait, toutes grandes, les portes de la gloire.
D’autres encore plus félons, commirent l’infamie,
De faire fusiller comme traitres à la patrie,
Tous ceux qui par malheur, baïonnette au canon,
En vinrent à reculer sous l’assaut des teutons.
Devant tant de misère, devant tant de douleur,
L’appeler « Der des der », fut une vraie candeur,
Car cette guerre, hélas, ne fut pas la dernière,
Deux décennies plus tard, on remit le couvert.
Cette boue qui fut la source de cruelles infortunes,
Qui servit à combler nombre de fosses communes,
Mériterait de finir comme la matière première,
D’une statue consacrée aux horreurs de la guerre.
J.P.P.
(Jeune Poilu Peiné)