AU LARGE, LES GLENANS ……
Quand, par un train poussif, aux fumées haletantes,
Je quittais, jeune poulbot, mes quartiers de Paris,
Je n’avais qu’un souci, dans les années cinquante,
Passer à Bénodet, un mois au Paradis.
Depuis un demi siècle, rien n’a changé ou presque.
L’église et le grand phare sont toujours vigilants.
Le Minaret se plie en de maintes arabesques
Et l’air de la marée demeure vivifiant.
Changement capital et de grande importance,
Place à l’arche d’un pont aux discrètes poutrelles.
Disparu le vieux bac aux chaînes gémissantes,
Les rives de l’Odet flirtent entre mer et ciel.
Fini les pinardiers remontant la rivière,
Pour abreuver la France de nos vins d’Algérie.
Fini les sabliers, ces modernes galères,
Puisant dans l’océan le maërl en sable gris *.
Je revois, sur les quais, ces vieilles bigoudènes,
Qui, au mépris du risque, approchaient leurs cabas,
Espérant découvrir, au sein de chaque benne,
Quelques coques ou palourdes, pour un maigre repas.
Je fais pèlerinage à l’anse de Penfoul,
Près des épines dorsales de galions engloutis.
C’est ici, à l’abri de tous les bains de foule,
Que l’on peut rendre hommage au marin Tabarly.
On peut s’enorgueillir, s’appelant « Finistère »,
D’être la fière étrave de la France au grand vent.
Ce n’est pas pour autant qu’ici fini la terre,
Puisque l’on aperçoit, au large, Les Glénans.
Moi qui, de Bénodet, me sens encore l’enfant.
Si le jardin d’Eden, un jour revient sur terre,
Il choisira, peut-être, au large, Les Glénans.
* maërl ou merl : Dépôt granuleux formé par les débris d’algues
marines imprégnées de calcaire et utilisé comme amendement
calcique en Bretagne.